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La fin du “tout data” ? Le retour du marketing instinctif

La fin du “tout data” ? Le retour du marketing instinctif

La fin du “tout data” ? Le retour du marketing instinctif

▶️ Contexte : une fatigue de la data omnisciente

Depuis plus d’une décennie, le marketing s’est transformé en une science pilotée par les données. CRM, DMP, CDP, algorithmes prédictifs, dashboards en temps réel…

Chaque décision semblait devoir se justifier par une courbe, une mesure ou une série de KPI. Mais à l’ère post-cookie, dans un contexte d’inflation cognitive des outils numériques, une nouvelle vague se lève : celle d’un marketing qui ose à nouveau l’intuition, l’émotion, la prise de risque.

Le marketing redevient en partie un art. Non pas en opposition à la data, mais en complément, voire en réaction à ses limites. La data n’explique pas tout. Et surtout, elle n’inspire pas toujours. Elle analyse le passé, elle projette le présent, mais elle n’imagine pas l’avenir. C’est là que le créatif pur, l’instinct et la vision prennent le relais.

▶️ Qu’entend-on par “marketing instinctif” ?

Le marketing instinctif, ou marketing inspirationnel, désigne une approche qui privilégie l’intuition stratégique, le storytelling émotionnel et la création libre, en s’affranchissant partiellement des logiques purement data-driven. Il repose sur :

– une vision créative forte, assumée par la marque ou le leadership ;

– une lecture culturelle ou sociétale intuitive des tendances ;

– un pari sur l’audace plus que sur la validation par le test.

Ce type de marketing s’appuie sur la culture, l’art, le terrain, le sens commun, et parfois… sur une forme de “flair” du dirigeant ou du créatif. Ce n’est pas un retour au pifomètre, mais une réhabilitation de l’intelligence sensible.

▶️ Pourquoi ce sujet est-il d’actualité ?

– La crise de la surcharge data : Selon Gartner (2024), 62 % des CMO interrogés estiment que leurs équipes « n’exploitent pas pleinement la donnée collectée », faute de lisibilité ou de temps. Le ROI du data marketing plafonne parfois.

– La fin des cookies tiers remet en cause une partie de l’automatisation programmatique.

– Les IA génératives (type GPT ou DALL·E) rendent le contenu data-based rapidement standardisé. Pour se différencier, il faut miser sur l’émotion, le style, la singularité.

– L’essor du slow marketing, du branding profond, et des formats “non performants” mais puissants (documentaires, podcasts, collaborations artistiques) s’inscrit dans ce mouvement.

▶️ Exemples concrets récents

1. Jacquemus et son camion rose géant sur la place Vendôme (mars 2024)

Aucun test A/B, aucun panel, aucune étude n’aurait validé une telle idée. Et pourtant : visibilité maximale, viralité sur TikTok, engagement organique record.
→ Une activation purement intuitive, fondée sur la surprise, l’audace et la puissance du visuel.

2. Decathlon – Campagne “À quoi tu joues ?” (janvier 2024)

Une série de films qui valorisent l’enfance, la créativité, le lien émotionnel au sport — sans discount, sans produit, sans code promo.
→ Campagne orientée branding affectif, construite sur un insight sociétal (perte de lien, sédentarité), non sur des datas comportementales.

3. Le Slip Français x Michel & Augustin (avril 2024)

Collaboration inattendue entre deux marques “fun” françaises pour célébrer l’artisanat et la bonne humeur. L’idée est née d’un échange entre fondateurs, non d’une analyse de marché.
→ Une alliance d’image et de valeurs, portée par l’instinct plus que par les chiffres.


▶️ Quelle place accorder à l’instinct dans une stratégie marketing ?

Loin d’opposer “data” et “instinct”, les marques les plus agiles opèrent aujourd’hui un mélange intelligent des deux logiques. Voici une grille d’analyse utile :

DomaineDominante dataDominante instinct
Média / performanceOui (SEO, ads, CRM)Non
Branding / imagePartiel (KPIs notoriété)Oui
Activation terrainFaibleOui
Innovation produitMix (UX, usage)Oui
Influence / UGCOui (tracking)Oui (choix des talents)

La donnée structure, l’instinct inspire.


▶️ Intégrer le marketing instinctif dans une organisation

Pour cela, il faut :

  • Redonner de l’autonomie aux équipes créatives ;
  • Valoriser l’audace dans les briefs ;
  • Accepter le test-and-learn sans data préalable ;
  • Travailler la culture interne (acculturation artistique, culture pub, sensibilité sociétale) ;
  • Célébrer les réussites issues de l’intuition — pour ne pas créer une culture de la peur.

Sources utiles
  • Gartner CMO Spend Survey 2024
  • WARC Report 2023-2024 on Creative Effectiveness
  • Contagious Magazine – “Why brands are going back to gut” (février 2024)
  • Les Échos Start – “Le retour du branding sensible chez les jeunes marques” (mars 2024)
  • INfluencia – Dossier “L’ère du marketing narratif” (avril 2024)

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